Lettre au ministre – Projet de règlement modifiant le Règlement sur les services de garde en milieu scolaire

Longueuil, le 18 juin 2020

Monsieur Jean-François Roberge
Ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur
Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur Édifice Marie-Guyart 1035, rue De La Chevrotière 16e étage Québec (Québec) G1R 5A5 

Objet : Commentaires de l’AQGS sur le Projet de règlement modifiant le Règlement sur les services de garde en milieu scolaire 

Monsieur le ministre, 

L’Association québécoise de la garde scolaire tient à vous soumettre quelques commentaires à propos du projet de modification au Règlement sur les services de garde en milieu scolaire visant à mieux encadrer les contributions financières exigées des parents. 

Nous avons examiné attentivement le projet de modification au règlement et nous pouvons réaffirmer que l’AQGS est favorable à ce que ces contributions soient soumises à des balises plus strictes, et ce, afin de permettre une plus grande uniformité dans le coût de la garde scolaire pour l’ensemble des parents québécois. La réduction des iniquités dans les frais chargés aux parents est une préoccupation de longue date de notre association. Dans un mémoire présenté en mars dernier à l’occasion de l’étude du projet de loi no 12, nous faisions état de l’étendue de ces iniquités, notamment en ce qui concerne les élèves qui fréquentent un service de garde de façon sporadique et pour les journées pédagogiques. Il s’agit donc d’un objectif central auquel notre association adhère. 

Nous souhaitons aussi saluer la décision qui nous a été communiquée de fixer l’indexation de la contribution financière exigible des parents au 1er juillet de chacune des années scolaires plutôt qu’au 1er janvier, là aussi, une demande de longue date de l’Association. L’indexation en cours d’année scolaire compliquait inutilement la gestion administrative des techniciens et techniciennes en garde scolaire puisqu’elle nécessitait de procéder à une mise à jour des données inscrites dans les systèmes informatiques. En repoussant la mise en oeuvre de l’indexation à la fin de l’année scolaire, cette tâche pourra être faite une seule fois par année, plutôt que deux.

Cela dit, pour notre association, il est impératif que cette révision des règles concernant les montants qui peuvent être facturés aux parents soit accompagnée d’une révision complète du financement de la garde scolaire. Comme nous le faisions largement valoir dans notre mémoire sur le projet de loi no 12, le modèle de financement de la garde scolaire a été adopté en 1997 et, depuis, aucun mécanisme d’évaluation n’a été mis sur pied afin de valider s’il répond véritablement aux besoins des services de garde. Il est pourtant clair que les besoins des familles, eux, ont grandement évolué pendant cette période, notamment quant à leurs attentes sur la qualité éducative du service. 

Avec ce projet de modification au règlement concernant la tarification, cette révision globale du financement devient absolument incontournable. Sans révision complète des règles budgétaires et en particulier des contributions gouvernementales qui complètent le financement provenant des parents, l’Impact sur le financement de la garde scolaire, sur la qualité du service et sur son personnel risque d’être dévastateur. 

Vous n’êtes pas sans savoir que la garde scolaire est le seul service de l’école qui a l’obligation de s’autofinancer. Son financement actuel se répartit actuellement en moyenne à environ 60 % provenant des contributions des parents et 40 % des allocations gouvernementales. Bien que les montants fixés dans ce projet de modification au règlement, à quelques nuances près, s’alignent sur les montants actuels, il faut demeurer conscient que ceux-ci ne s’appliquent qu’aux élèves à statut régulier. Or, plus de 40 % des élèves fréquentent la garde scolaire de façon sporadique. Pour ceux-ci, il n’y a pas d’allocation gouvernementale. Le montant facturé aux parents doit donc représenter le coût réel du service. En imposant un tarif unique à tous les élèves sans égard à leur statut, et ce, sans garantir un rehaussement du financement gouvernemental, on provoque automatiquement une chute marquée des revenus qui ne peut avoir d’autre effet que plonger la majorité des services de garde en déficit, ce que la loi leur interdit formellement. Il s’agit d’une situation intenable. 

Au-delà de son possible impact sur le financement global, certains détails du projet de modification au règlement nous paraissent également problématiques au regard de leurs effets possibles. Notamment, la division de la journée en trois blocs (matin-midi-après-midi) entrainant tous un tarif égal (4,25 $), alors que la durée de chaque bloc est inégale (environ 90 minutes pour chacune des périodes du matin et du midi et près de 3 heures pour la période d’après-midi). Comme la fréquentation est plus grande lors de la période d’après-midi et qu’une large partie du coût est lié aux salaires du personnel éducateur, la plupart des services de garde percevaient le plein montant lorsque l’élève est inscrit à la période d’après-midi, sans quoi il leur est impossible d’atteindre le seuil de rentabilité. Avec ces nouvelles règles qui limitent ce montant à 4,25 $, on peut là aussi anticiper un impact catastrophique sur les revenus. 

Qui plus est, avec un coût de 4,25 $ pour la période du diner, les services de garde se retrouveront dans une situation de concurrence désavantageuse dans les écoles qui offrent aussi un service de surveillance, surtout que ce service est souvent offert à un coût moindre. Prenons l’exemple d’une école qui offre le service de surveillance de dîner au coût de 2 $ par jour. Le parent qui a besoin du service le midi et l’après-midi se retrouve donc à devoir choisir entre deux services, dont l’un est deux fois moins cher. Plusieurs seront ainsi incités à délaisser le service de garde en raison de l’économie que cela représente. Dans notre exemple, le parent paierait 6,25 $ par jour (2 $ pour la surveillance du midi plus 4,25 $ pour la période d’après-midi au service de garde) au lieu de 8,50 $ par jour (deux périodes de fréquentation au service de garde). 

Tel que formulé et sans être accompagné de règles budgétaires renouvelées assurant un financement global qui permet à la garde scolaire de se développer et d’offrir des services éducatifs de qualité, ce projet de modification au règlement entrainera vraisemblablement plusieurs effets négatifs : perte de clientèle en garde scolaire et diminution importante de son financement, création d’une compétition inutile entre deux services de l’école, réduction des heures de travail du personnel éducateur pour qui il est déjà difficile d’offrir un nombre d’heures intéressant, personnel éducateur « forcé » de travailler au service de surveillance, sans reconnaissance de son statut d’éducateur ni les outils pour soutenir le développement des élèves. Pour les élèves, perte de la valeur éducative du service de garde qui offre des ratios et des pratiques éducatives favorables au développement des enfants. Bien sûr, il sera accueilli favorablement par les parents qui, de façon légitime, réclament plus d’équité et un coût plus abordable. Mais ils ne réaliseront que plus tard à quel point il a été dommageable pour le service. 

Dans ces circonstances, l’Association québécoise de la garde scolaire ne peut appuyer ce projet de règlement tant que de nouvelles règles budgétaires n’ont pas été présentées afin de nous permettre d’évaluer tous ses impacts sur le financement de la garde scolaire, sa capacité à se développer et à offrir des services de qualité ainsi que sur la reconnaissance et la mobilisation de son personnel. 

À ce titre, nous vous demandons : 

1. De sursoir à l’adoption du projet de modification au règlement après le dépôt et l’adoption des règles budgétaires; 

2. De consulter l’AQGS dans la préparation de ces règles budgétaires afin de pouvoir en mesurer correctement tous les impacts sur les services, ce qui requiert une connaissance fine des services que seule l’AQGS possède; 

3. D’amender, s’il y a lieu, le projet de modification au règlement à la lumière des travaux entourant la préparation des règles budgétaires; 

4. De procéder à un nouveau dépôt du projet de modification du règlement après l’adoption des règles budgétaires et de réaliser une nouvelle consultation auprès de l’AQGS et des autres partenaires scolaires. 

En conclusion, notre association est, tout comme vous, soucieuse d’assurer la plus grande équité possible dans l’accès à des services de garde éducatifs en milieu scolaire de grande qualité pour tous les élèves et ce, peu importe leur milieu ou leur région. Nous croyons qu’une règlementation plus stricte concernant les tarifs contribuera à réduire les iniquités actuelles. Il serait toutefois dommage que cet effort résulte en un affaiblissement de la situation financière de la garde scolaire, au risque de compromettre l’accès ou la qualité de ces services éducatifs complémentaires, essentiels et appréciés par 93 % des parents et 91 % des élèves, selon un sondage réalisé en novembre 2018 auprès de 1 500 parents. 

Nous vous remercions de l’attention que vous portez à la présente. Nous vous prions de recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.

Diane Miron,
Directrice générale