La garde scolaire, une vocation?

À la demande de l’Association, Luc Sorel Étienne, Camille Lambert-Deubelbeiss et Andréanne Rousseau, trois étudiants du Département de sociologie de l’Université Laval se sont penchés sur le travail des éducatrices et des éducateurs en services de garde en milieu scolaire. Puisque le personnel éducateur est un des piliers sur lequel repose la qualité d’un service de garde, il est essentiel d’en savoir plus sur le rapport au travail de celui-ci.

Consciente de la diversité des raisons menant des individus à occuper le poste d’éducatrice ou éducateur en milieu scolaire, l’Association souhaitait notamment mieux comprendre les motivations qui les ont menés à oeuvrer dans ces services. Plus précisément, cette étude visait à connaître qui sont les travailleurs et travailleuses en garde scolaire et de définir la place et le sens du travail dans leur vie.

Cette étude est basée sur la sociologie du travail, puisque d’autres chercheurs avant eux avaient déjà défini les six principaux types de travailleurs québécois : le professionnaliste, l’égoteliste, l’harmoniste, l’autarcique, l’utilitariste et, enfin, le résigné. Les chercheurs de cette étude ont ainsi tenté d’appréhender le travail en service de garde en milieu scolaire à partir de ces catégories, tentative qui s’est avérée ardue.

Les différents types de travailleurs québécois

Afin de comprendre le rapport au travail du personnel éducateur en garde scolaire, nous aimerions définir rapidement les principaux types de travailleurs québécois tel que définis par certains sociologues québécois.

Le premier type, l’éducateur professionnaliste, valorise beaucoup l’autonomie, la flexibilité des horaires et le tissage de liens significatifs avec les autres. Il aime sentir qu’il peut évoluer dans sa carrière et son travail passe souvent avant sa famille. L’égotéliste, le deuxième type de travailleur le plus fréquent au Québec, cherche, quant à lui, à faire preuve de créativité et à se réaliser personnellement au travail, en plus de développer des relations enrichissantes avec les autres. Sans être la sphère la plus importante de sa vie, comme cela peut l’être chez le professionnaliste, le travail reste tout de même très important dans sa vie. L’éducateur harmoniste, pour sa part, doit avant tout sentir que les valeurs qu’il juge importantes font partie intégrante de son travail (les relations avec les enfants ou des causes environnementales, par exemple). Autrement dit, il doit s’entendre avec les autres (les membres de son équipe, les parents et les enfants) sur des points qui dépassent parfois des questions de simple gestion. Son travail doit également lui faire sentir qu’il est utile à sa communauté.

Ensuite, pour l’autarcique, le travail est avant tout une source de revenu et il préfère un emploi stable. De plus, le travail est surtout perçu comme l’occupation normale d’un adulte au sein de la société; une responsabilité civile, en quelque sorte. Pour le cinquième type, que l’on nomme l’utilitariste, le travail n’est rien d’autre qu’une source de revenu. Il sera satisfait de son emploi s’il juge que le salaire reçu est juste et équitable pour le niveau d’effort fourni. Enfin, le dernier type, nommé le résigné, refuse de se définir par son travail. S’il occupe un emploi, c’est, selon lui, seulement par nécessité et afin de subvenir à ses besoins. Autrement dit, il n’aime pas avoir à travailler pour financer son mode de vie, mais il le fait, puisqu’il le faut. Il est probable que l’intégration au sein de l’équipe d’un service de garde en milieu scolaire se fasse moins bien pour les membres des trois derniers types, en raison de leur faible niveau d’implication et du peu de croyance qu’ils accordent à ce type de travail en particulier.

Ainsi, on constate que tous les travailleurs québécois ne voient pas le travail de la même façon.

La question qui se pose maintenant, c’est : « Qui sont les membres du personnel éducateur en garde scolaire et de quel type de travailleur s’agit-il? ».

Le travail en garde scolaire : une vocation en manque de reconnaissance

Pour répondre à cette question, les chercheurs ont interrogé des membres du personnel éducateur en garde scolaire. Les chercheurs ont rapidement compris que les éducatrices et les éducateurs se distinguent des autres travailleurs québécois, en raison de leur amour des enfants et de leur niveau d’investissement (parfois bénévole) peu rencontré dans d’autres types de travail.

Premièrement, le personnel éducateur accorde en général plus d’importance à la vie de couple et la vie familiale qu’à son travail, mais celui-ci demeure très important pour lui. Le fait de bien gagner leur vie est également important, mais ce qui est ressorti le plus souvent comme étant la raison principale de travailler et comme la source première de motivation et de satisfaction, ce sont les enfants et la relation privilégiée avec eux. Le personnel éducateur est également fortement impliqué au travail.

En réalité, les membres du personnel éducateur se distinguent tellement des autres types de travailleurs québécois, que les chercheurs ont choisi de définir leur rapport au travail grâce à une nouvelle catégorie : le travailleur de vocation.

Malheureusement, malgré cette forte implication au travail, la société québécoise se montre parfois trop peu reconnaissante de ce travail pourtant essentiel pour les enfants et les parents, puisque les Québécois semblent penser que ce travail demande peu de compétences et de formation. Les éducatrices et les éducateurs en garde scolaire sentent que la population québécoise n’apprécie pas à sa juste valeur l’importance de leur rôle auprès des enfants.

 

Lire le rapport complet sur le site de l’Université Laval
L’ethos du personnel éducateur des services de garde en milieu scolaire
Luc Sorel Étienne, Camille Lambert Deubelbeiss et Andréanne Rousseau